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Et vous, l’autorité parentale, ça va?

Est-ce le retour de la hiérarchie et de la discipline dans l’éducation des enfants pourrait sauver les parents de la génération Y?

Marianne Prairie réagit à un article du Maclean’s et s’informe de la santé de votre autorité parentale.

Si vous vous cherchez une nouvelle raison d’angoisser sur la façon dont vous élevez vos enfants, je vous recommande chaleureusement la lecture de cet article du magazine canadien Maclean’s intitulé « The collapse of parenting : Why it’s time for parents to grow up ». Je traduis librement : « L’effondrement de l’être parent: pourquoi il est temps que les parents deviennent des adultes ».

Ce long papier signé par Cathy Gulli m’a tellement troublée que je repousse l’écriture de cette chronique depuis une semaine. Un jour, je trouve que les propos rapportés ont bien du bon sens et le lendemain, je suis outrée. Pourquoi? Parce que l’article aborde de front un des paradoxes par excellence de la parentalité : une saine discipline est une preuve d’amour. J’y reviendrai.

Mais qui parle au juste de l’effondrement de « l’être parent »?  C’est le médecin et psychologue américain Leonard Sax, reconnu pour ses travaux sur le développement des enfants. Son dernier livre, « The Collapse of Parenting: How We Hurt Our Kids When We Treat Them Like Grown-Ups» somme les nouveaux parents d’agir en adulte et de renouer avec des principes qui paraissent archaïques auprès de la génération Y : la hiérarchie et l’autorité parentale.

Oui, monsieur.

Selon Sax, les méthodes d’éducation des enfants qui ont la cote en ce moment en Amérique du Nord, davantage axées sur le renforcement de l’estime de soi, l’écoute attentive des besoins et la gestion démocratique de la famille, auraient des répercussions inattendues et inquiétantes. Les parents n’imposent plus, ils proposent. Ils ne donnent plus de punitions, mais des réflexions. Le rapport avec l’enfant est plus égalitaire et laisse une grande place à la communication et l’expression des émotions. Comme mère, c’est une philosophie à laquelle j’adhère. Comme dirait Yoda : « Interpelée, je suis. »

Toujours d’après le docteur Sax, cette modification profonde et récente du rôle des parents est partiellement responsable du fait que « les enfants deviennent obèses, trop médicamentés, anxieux et irrespectueux d’eux-mêmes et des autres. »

Rien de moins.

Si je suis complètement d’accord qu’il y a actuellement une crise majeure dans la façon d’être parent, je trouve que l’article mélange bien des choses. D’où mon état confus, probablement. Oui, les enfants rois sont une plaie et leurs parents peuvent être tenus responsables lorsqu’ils plient au moindre caprice, que ce soit pour éviter la confrontation ou simplement leur faire plaisir. Un parent, ce n’est pas un ami, on s’entend là-dessus.

Ainsi, je comprends l’appel à « devenir des adultes » lancé par le docteur Sax, car le parent doit faire preuve de maturité pour établir des limites claires et les faire respecter. C’est la saine discipline dont je parlais tantôt. Évoluer dans un cadre stable permet à l’enfant de se sentir rassuré et de faire des apprentissages importants : le bien et le mal, les règles de sécurité, les valeurs familiales ou la politesse. C’est une façon de bien l’outiller, une preuve d’amour à long terme. Trop de liberté est souvent source d’angoisse pour l’enfant et peut mener éventuellement aux maux listés par le docteur Sax : obésité, anxiété, médication, etc. Je le suis jusque là.

Mais n’existe-t-il pas une autre optique que celle de hiérarchie et du pouvoir pour envisager l’autorité parentale? Pourquoi ne pourrait-on pas établir ce rapport parent-enfant sur la compétence, l’expérience, la responsabilité ou le jugement? Par exemple : « Fiston, je connais les lois de la physique, c’est pourquoi tu ne peux pas grimper dans la bibliothèque. Oui, même si tu es un ninja. » Ou encore : « Fais tes devoirs avant de jouer au iPad. Crois-moi, la procrastination, je m’y connais. »

Il me semble que ce type d’autorité parentale est plus concrète et nuancée que la figure monolithique du parent tout-puissant. Qu’elle est plus ancrée dans le réel que ce rôle incarné par défaut. Qu’elle permet d’embrasser avec moins de culpabilité et de doute cette tâche ingrate qu’est la discipline. Qu’elle permet d’être plus humain, dans tout ce que nous avons d’imparfait et de faillible.

De toute façon, qui est en parfait contrôle de ses comportements de parent? Personne. Tout le monde apprend sur le tas avec les enfants qu’ils ont. À mon avis, le potentiel de scraper sa progéniture est aussi grand du côté des autoritaires que des laxistes.

Une recherche rapide m’a permis d’apprendre que Leonard Sax est aussi applaudi que décrié en ce qui concerne une autre question, celle des genres. L’homme entretient une affection particulière pour les écoles non mixtes et la différenciation des garçons et filles en deux belles catégories bien franches. Cette mise en contexte est intéressante à mes yeux, car elle me permet de mieux situer le bonhomme (et de le trouver dangereusement sexiste et rétrograde).

Ce n’est pas en revenant à des rôles traditionnels qu’on résoudra le vaste problème social de l’encadrement des enfants, ni en diabolisant les pratiques plus égalitaires. Le retour de la hiérarchie familiale ne sauvera pas le parenting moderne. Ce n’est pas une question de pouvoir, mais de confiance. Ce qui s’effondre, c’est la confiance des parents en leurs compétences parentales. Ce que je comprends quand je lis qu’ils ne sont pas assez « adultes », c’est qu’ils peinent à trouver l’assurance nécessaire pour être suffisamment autoritaires.

C’est pourquoi je reformulerais le titre de l’article de Cathy Gulli étant donné que le bon docteur Sax me semble un peu déconnecté : « L’effondrement de “l’être parent”: pourquoi il est temps d’aider les parents à bâtir une solide confiance en eux à l’ère de la surinformation et de la multiplication des choix ».

 par Marianne Prairie

Marianne Prairie est l’auteure de La première fois que… Conseils sages et moins sages pour nouveaux parents (Caractère)

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